Translate

vendredi 29 novembre 2013

Il nous faut construire un monde entièrement autre

20131129-083658.jpg


Il nous faut construire un monde entièrement autre – un monde différent du monde actuel avec ses conflits, ses manies, sa concurrence, sa brutalité, sa violence, son absence de tout scrupule.


Il est aisé de voir que les idéologies jouent un rôle immense dans la vie de l’homme, et cela dans le monde entier. Ces idéologies contribuent à établir des divisions parmi les humains, favorisant la formation de groupes – démocrate ou républicain, la gauche ou la droite et ainsi de suite -, elles élèvent des murailles entre les gens et de par leur nature même ces idéologies deviennent des « autorités ». Ceux qui prennent le pouvoir grâce à elles tyrannisent les autres soit démocratiquement, soit avec un total manque de scrupule ; tout cela est à observer dans le monde entier. Les idéologies, les principes et les croyances ne se contentent pas de répartir les hommes en groupes, mais ils empêchent véritablement la coopération ; et c’est pourtant de cela que nous avons besoin ici-bas, de coopérer, de travailler ensemble, d’agir ensemble – et non pas de vous voir agir d’une façon parce que appartenant à un groupe, tandis que moi, j’agis différemment, parce que appartenant à un autre. La division se produit inévitablement dès l’instant où vous vous abandonnez à une idéologie particulière – que ce soit celle du communiste, du socialiste, du capitaliste, et ainsi de suite. Quelle que soit cette idéologie, par force elle sépare et engendre des conflits.


Un idéologue n’est pas un homme sérieux, il ne voit pas les conséquences de son idéologie. Par conséquent pour être véritablement sérieux, il faut rejeter totalement et complètement toutes ces divisions religieuses et nationalistes. Il faut nier absolument tout ce qui est faux, et peut-être que par la suite il pourra se faire jour une possibilité d’être véritablement et réellement sérieux. Il nous faut construire un monde entièrement autre – un monde différent du monde actuel avec ses conflits, ses manies, sa concurrence, sa brutalité, sa violence, son absence de tout scrupule.


Seul un esprit religieux est un esprit véritablement révolutionnaire ; il n’existe aucun autre esprit révolutionnaire, celui qui prétend à ce nom, qu’il soit de 1 extrême gauche ou du centre, il n’est pas révolutionnaire. L’esprit qui se colle l’étiquette de gauche ou de centre ne vise qu’un fragment de la totalité, bien plus, il se brise, se fragmente en différentes parties ; ce n’est pas là le fait d’un esprit véritablement révolutionnaire. L’esprit vraiment religieux – dans le sens profond de ce mot – est, lui, véritablement révolutionnaire, parce qu’il est au-delà de la gauche, de la droite et du centre.


Extrait de au seuil du silence.




L’ordre ne consiste pas à suivre un chemin tout tracé.

L’ordre ne consiste pas à suivre un chemin tout tracé. Il naît de votre compréhension du désordre, non seulement au-dehors, mais aussi en vous-même


Etymologiquement, discipline signifie l’acte d’apprendre : ce n’est pas une soumission mécanique, comme dans l’acception actuelle du terme. Ce dont il est ici question, c’est au contraire d’un esprit libre de tout contrôle et capable d’apprendre. Dès lors qu’on apprend, toute forme de contrôle est superflue. Autrement dit, apprendre, c’est agir. Tout esprit désireux d’explorer la nature de la méditation est forcément toujours en train d’apprendre, et cet apprentissage permanent suscite un ordre qui lui est propre.


L’ordre est nécessaire à la vie. L’ordre, c’est la vertu. En termes de comportement, l’ordre est synonyme de droiture. Ce n’est pas l’ordre forcé, dicté par la société, par une culture, un milieu, ou par la contrainte ou l’obéissance. L’ordre ne consiste pas à suivre un chemin tout tracé. Il naît de votre compréhension du désordre, non seulement au-dehors, mais aussi en vous-même. Il naît de la négation du désordre. Nous devons donc prendre acte du désordre qui règne dans notre vie, de nos contradictions internes, de nos désirs antagonistes qui font que nous disons une chose et en faisons une autre, tout en songeant à une troisième. C’est en examinant le désordre, en le comprenant, en y étant attentif, c’est en ayant une conscience sans choix du désordre que l’ordre advient, naturellement, aisément, sans effort. Cet ordre-là est une nécessité absolue.


Cette lumière en nous. La vraie méditation. Page 125. L’illumination n’est pas localisable. Editions Stock. 2000




La paix n’est pas le produit de la raison

20131129-082230.jpg


La paix n’est pas le produit de la raison ; et pourtant, comme vous le verrez si vous les observez, les religions organisées sont prises dans cette poursuite de la paix à travers l’esprit.


La paix réelle est aussi créative et aussi pure que la guerre est destructrice ; et, pour trouver cette paix, on doit comprendre la beauté. C’est pourquoi il est important, pendant qu’on est très jeune, d’avoir de la beauté autour de nous : la beauté des constructions qui ont de belles proportions, la beauté de la propreté, des discussions calmes entre les aînés. En comprenant ce qu’est la beauté, nous connaîtrons l’amour, car dans la compréhension de la beauté est la paix du coeur.


Life Ahead – 163 (publié en français : Face à la vie, éditions Adyar)




mercredi 27 novembre 2013

L’individu est détruit par la compulsion.

20131127-103505.jpg


Les religions organisées, les croyances organisées, et les états totalitaires sont très semblables car ils veulent tous détruire l’individu par la compulsion, la propagande et par diverses formes de coercitions. La religion organisée fait la même chose, elle le fait simplement d’une manière différente. Ainsi, vous devez accepter, vous devez croire, vous êtes conditionnés.


La tendance globale à la fois du communisme et des organisations prétendues spirituelles est de mouler l’esprit selon un modèle particulier de comportement parce que l’individu laissé à lui-même devient rebelle. Ainsi, l’individu est détruit par la compulsion, par la propagande, il est contrôlé, dominé, pour le bien de la société, pour le bien de l’Etat et ainsi de suite.


Les prétendues organisations religieuses font de même, juste avec un peu plus de méfiance, un peu plus de subtilité, parce que, là encore, les gens doivent croire, doivent réprimer, doivent contrôler, et tout le reste. Le processus global consiste à dominer le soi sous une forme ou sous une autre. Par la compulsion, c’est l’action collective qui est recherchée.


C’est ce que veulent la plupart des organisations, que ce soient les organisations économiques ou religieuses. Elles veulent une action collective, ce qui signifie que l’individu doit être détruit. Finalement, cela ne peut vouloir dire que cela. Vous acceptez le Communisme, la théorie Marxiste ou les doctrines Hindoues, Bouddhistes ou Chrétiennes, et par conséquent vous espérez provoquer une action collective.


Oeuvres collectées, Vol. VI – 279




Sur la prière et la méditation

L’aspiration exprimée dans la prière, n’est-elle pas une voie vers Dieu ?


Examinons les différents problèmes contenus dans cette question. Ils portent sur la prière, la concentration et la méditation.


Qu’appelons-nous prière ?


La prière comporte d’abord une pétition, une supplication adressée à ce que vous appelez Dieu, ou la réalité. Vous, l’individu, vous demandez, quémandez, mendiez, vous cherchez assistance auprès de quelque chose que vous appelez Dieu ; en somme vous cherchez une récompense, un contentement.


Vous êtes dans de graves difficultés nationales ou individuelles et vous priez pour avoir du secours, ou vous êtes dans la confusion et vous mendiez de la clarté ; vous demandez de l’aide à ce que vous appelez Dieu.


Ceci comporte l’idée implicite que Dieu, quel que soit ce Dieu (nous ne discutons pas de cela pour l’instant) va se mettre à éclaircir la confusion que vous et moi avons crée. Car c’est nous qui avons engendré cette confusion, cette misère, ce chaos, cette affreuse tyrannie, ce manque d’amour ; et nous voulons que ce que nous appelons Dieu vienne tout mettre en ordre.


En d’autres termes, nous voulons que notre confusion, notre affliction, nos conflits, soient remis en ordre par un autre que nous, nous nous adressons à quelqu’un pour qu’il nous apporte de la lumière et du bonheur.


Or, lorsque vous priez, quémandez et suppliez pour obtenir quelque chose, cette chose, en général, se produit. Lorsque vous demandez, vous recevez ; mais ce que vous recevrez ne créera pas l’ordre, car ce qui est susceptible d’être reçu ne donne ni clarté, ni compréhension, ne peut que satisfaire et faire plaisir, du fait que lorsqu’on demande, on reçoit ce que l’on a projeté soi-même. Comment la réalité – Dieu – peut-elle répondre à votre demande particulière ?


Est-ce que l’immesurable, l’imprononçable, peut-être occupé à résoudre nos petits tracas, nos misères et nos confusions crées par nous ?


L’immesurable ne peut pas répondre au mesurable, au mesquin, au petit. Mais alors qu’est-ce qui répond ?


Lorsque nous prions, nous sommes plus ou moins silencieux, nous sommes dans un état réceptif ; et alors notre subconscient nous apporte un moment de clarté. Vous voulez quelque chose, vous le voulez très intensément ; au moment de cette intensité, de cette obséquieuse mendicité, vous êtes assez réceptif ; votre esprit conscient, actif, est relativement immobile, ce qui permet à l’inconscient de s’y projeter, et vous avez votre réponse.


Ce n’est certainement pas une réponse qui provient de la réalité, de l’immesurable ; c’est votre propre inconscient qui répond. Ne commentez pas l’erreur de croire que lorsqu’il est répondu à votre prière, vous êtes en relation avec la réalité.


La réalité doit venir à vous, vous ne pouvez pas aller à elle.


Il y a encore un autre facteur dans cette question, c’est la réponse de ce que nous appelons la voix intérieure. Ainsi que je l’ai dit, lorsque l’esprit est en état de supplication, il est relativement immobile ; et lorsque vous entendez la voix intérieure, c’est votre propre voix qui se projette dans cet esprit relativement silencieux. Comment pourrait-elle être la voix de la réalité ? Un esprit confus, ignorant, avide, quémandant, comment peut-il comprendre la réalité ?


L’esprit ne peut recevoir la réalité que lorsqu’il est absolument immobile, et non pas entrain de demander, implorer, supplier, pour lui-même, pour la nation ou pour d’autres personnes. Lorsque l’esprit est tout à fait arrêté, que tout désir a cessé, alors seulement naît la réalité. La personne qui prie et qui aspire à être guidée recevra ce qu’elle cherche, mais ce ne serra pas la vérité. Ce qu’elle recevra sera la réponse des couches inconscientes de son esprit, lesquelles se projettent dans le conscient ; cette voix intérieure du silence n’est pas le réel mais la réponse de l’inconscient.


Et dans ce problème il y a aussi celui de la concentration. Pour la plupart d’entre nous, la concentration est un processus d’exclusion, que l’on fait fonctionner par un effort, une contrainte, une direction, une imitation.


Je m’intéresse à une soit-disant méditation, mais mes pensées sont distraites ; je fixe mon esprit sur une image ou une idée et j’exclu toutes les autres pensées. Cette concentration, qui est une exclusion, est censée être un moyen de méditer.


N’est-ce pas cela que vous faites ?


Lorsque vous vous asseyez pour méditer, vous fixez votre esprit sur un mot, sur une image, sur un portrait, mais l’esprit vagabonde partout. Il y a une constante irruption d’autres idées, d’autres pensées, d’autres émotions et vous essayez de les chasser ; vous passez votre temps à batailler avec vos pensées.


Ce processus, vous l’appelez méditation.


En somme, vous essayez de vous concentrer sur quelque chose qui ne vous intéresse pas et vos pensées continuent à se multiplier, à croître, à vous interrompre. Alors vous dépensez votre énergie à exclure, à écarter, à expulser ; et si vous pouvez enfin vous concentrer sur la pensée de votre choix ou sur un objet particulier, vous croyez avoir réussit à méditer.


Mais cela n’est pas de la méditation.


La vraie méditation ne consiste pas à exclure ou à écarter des pensées, ni à construire des résistances contre des idées importunes. La prière, pas plus que la concentration, n’est une vraie méditation.


Qu’est-ce que la méditation ?


La concentration de pensée n’est pas une méditation, parce qu’il est relativement facile de se concentrer sur un sujet intéressant. Un général absorbé par le plan de la bataille qui enverra ses soldats à la boucherie est très concentré.


Un homme d’affaire en train de gagner de l’argent est très concentré, ce qui ne l’empêche pas, à l’occasion, d’être cruel et de se fermer à tout sentiment. Il est absorbé dans ses desseins, comme toute personne dont l’intérêt est capté ; il se concentre naturellement et spontanément.


Qu’est-ce donc la méditation ? Méditer, c’est comprendre ; la méditation du cœur est compréhension. Et comment puis-je comprendre s’il y a exclusion ? Comment puis-je comprendre s’il y a pétition et supplication ? En la compréhension il y a la paix, la liberté ; car on est libéré de ce que l’on a compris. Se concentrer, prier, cela n’éveille pas la compréhension, et celle-ci est la base même, le processus fondamental de la méditation.


Vous n’êtes pas tenus d’accepter ce que je dis, mais si vous examinez la prière et la concentration de pensée très soigneusement, profondément, vous verrez que ni l’une ni l’autre ne conduisent à la compréhension, tandis que la méditation qui consiste à comprendre engendre la liberté, la clarté, l’intégration.


Mais qu’appelons-nous comprendre ? Comprendre veut dire donner sa vraie valeur à toute chose. Être ignorant, c’est attribuer des valeurs erronées. La nature même de la stupidité est le manque de compréhension des vraies valeurs. La compréhension se fait jour lorsque s’établissent des vraies valeurs. Et comment établirons-nous les valeurs justes de nos possessions, de nos rapports humains, de nos idées ? Pour que surgissent des valeurs exactes, il me faut comprendre le penseur, n’est-ce pas ?


Si je ne comprends pas le penseur – lequel est moi-même – ce que je choisis n’a pas de sens ; si je ne me connais pas, mon action, ma pensée sont sans fondement. Donc, la connaissance de soi est le début de la méditation. Il ne s’agit pas des connaissances que l’on ramasse dans des livres, chez des guides spirituels, des gurus, mais de celle qui provient d’une enquête intérieure et d’une juste perception de soi. Sans connaissance de soi, il n’y a pas de méditation. Si je ne comprends pas mes mobiles, mes désirs, mes aspirations, ma poursuite de modèles d’action (lesquels sont des « idées ») ; si je ne me connais pas, je n’ai pas de bases pour penser ; le penseur qui demande, prie, exclut, sans se comprendre, doit inévitablement tomber dans la confusion de l’illusion.


Le début de la méditation est la connaissance de soi, ce qui veut dire percevoir chaque mouvement de la pensée et de l’émotion, connaître toutes les couches stratifiées de ma conscience, non seulement les régions périphériques, mais les activités les plus secrètes, les plus profondément cachés. Pour connaître ces mobiles cachés, ces réactions, ces pensées et ces sentiments, il faut que le calme se fasse dans l’esprit conscient ; en effet, celui-ci doit être immobile pour percevoir la projection de l’inconscient. L’esprit conscient, superficiel, est occupé par ses activités quotidiennes : le pain à gagner, les gens qu’il faut tromper et ceux que l’on exploite, la fuite devant les problèmes, bref toutes les activités quotidiennes de notre existence.


Cet esprit périphérique doit comprendre la vraie signification de ses activités, et ce faisant se donner la paix. Il ne peut pas provoquer ce calme et ce silence en se dominant, en se disciplinant, en se mettant au pas ; mais il permettra à cette tranquillité de se produire en comprenant ses propres activités, en en étant conscient, en voyant sa cruauté, la façon dont il se comporte par rapport à un domestique, à sa femme, à sa fille, à sa sœur, etc.


Lorsque l’esprit superficiel et conscient perçoit de la sorte ses activités, il devient, grâce à cette compréhension, spontanément tranquille ; il n’est pas drogué par des contraintes ou par des désirs enrégimentés ; il est alors à même de recevoir les émissions, les suggestions de l’inconscient, des très nombreuses couches de l’esprit telles que les instincts raciaux, les souvenirs enfouis, les poursuites cachées, les profondes blessures non encore cicatrisées.


Ce n’est que lorsque toutes ces zones se sont projetées et ont été comprises, lorsque la conscience toute entière se trouve déchargée, lorsqu’il ne reste plus une seule blessure, plus une seule mémoire pour l’enchaîner, que l’éternel peut être reçu.


La méditation est connaissance de soi, sans connaissance de soi, il n’y pas de méditation. Si vous n’êtes pas conscient tout le temps de toutes vos réactions, si vous n’être pas pleinement conscient, pleinement averti du sens de vos activités quotidiennes, le simple fait de vous enfermer dans votre chambre et de vous asseoir devant le portrait de votre guru, de votre maître, est une évasion ; car sans cette connaissance de soi, votre pensée n’est pas orientée dans une direction juste et votre méditation n’a aucun sens, qu’elle que soit la noblesse de nos intentions.


Ainsi la prière n’a aucune valeur sans cette connaissance de soi, mais celle-ci engendre une pensée correcte de laquelle découle une action correcte. Celle- ci dissipe la confusion, de sorte que l’homme qui se connaît n’a pas besoin de supplier qu’on le libère. L’homme pleinement conscient est en état de méditation ; il ne prie par parce qu’il ne désire rien. Par des prières, des disciples, des répétitions et tout le reste, vous pouvez provoquer une certaine immobilité, mais ce n’est qu’un abêtissement par lassitude, car vous avez drogué votre esprit. L’exclusion – que vous appelez concentration – ne conduit pas à la réalité ; aucune exclusion ne peut le faire. Ce qui engendre la compréhension c’est la connaissance de soi, et il n’est pas très difficile d’être conscient, si l’intention y est. Si cela vous intéresse de découvrir tout le processus de vous-même – non seulement la partie superficielle, mais le processus de tout votre être – c’est relativement facile. Si réellement vous voulez vous connaître, vous fouillerez votre cœur et votre esprit afin de connaître tout le contenu ; et si vous avez l’intention de savoir, vous saurez.


Alors vous pourrez suivre, sans condamnation ni justification, chaque mouvement de votre pensée et chaque sentiment au fur et à mesure qu’ils surgissent, vous engendrerez cette tranquillité qui ne serra pas forcée, qui ne serra pas enrégimentée mais qui proviendra de ce que vous n’aurez pas de problèmes, pas de contradiction.


C’est comme l’étang qui devient calme et paisible n’importe quel soir lorsqu’il n’y a pas de vent. Lorsque l’esprit est silencieux, ce qui est immesurable entre en existence.


Krishnamurti : La première et dernière liberté.

Question-réponse 19 : – Sur la prière et la méditation.

pages 236 à 242.




La perception apporte sa propre action

20131126-210548.jpg


Voir ce qui est, est réellement ardu. Comment peut-on clairement observer ? Une rivière qui rencontre un obstacle n’est jamais calme ; la rivière brise l’obstacle par sa masse ou passe au dessus, ou trouve un passage par dessous ou le contourne ; la rivière n’est jamais immobile ; elle ne peut faire autrement qu’agir. Elle se révolte, si nous pouvons ainsi dire, intelligemment.


On doit se révolter intelligemment et accepter ce qui est avec intelligence. Pour percevoir ce qui est, il doit y avoir l’esprit d’une révolte intelligente. Ne pas se laisser abuser par une apparence nécessite une certaine intelligence ; mais généralement on est si désireux d’obtenir ce que l’on veut, que l’on se précipite contre l’obstacle. ; ou on se casse contre lui ou on s’épuise à lutter contre lui.


Voir la corde en tant que corde ne nécessite pas de courage, mais prendre la corde pour un serpent et alors l’observer nécessite du courage. L’on doit douter, toujours chercher, voir le faux pour le faux. On obtient la puissance de voir clairement par l’intensité de l’attention ; vous verrez que cela viendra.


On doit agir ; la rivière n’est jamais statique, elle est toujours active. L’on doit être dans un état de négation, pour agir ; cette négation intense apporte sa propre action positive. Je pense que le problème est de voir clairement, et alors cette perception intense apporte sa propre action. Quand il y a souplesse il n’y a aucune question de vrai et de faux.


On doit être très clair avec soi-même. Alors je vous assure que tout devient clair ; soyez clair et vous verrez que les choses apparaîtront distinctement sans que vous ayez à faire quoi que ce soit à ce propos. La vérité n’est pas ce qu’on désire.


Il doit y avoir complète révolution, pas seulement dans les grandes choses, mais dans les petites de la vie quotidienne.




mardi 26 novembre 2013

La société conditionne l’individu, et ce conditionnement prend la forme de l’amélioration de soi

20131126-213456.jpg


Nos religions ne nous aident pas à comprendre ce qui est réel parce qu’elles sont essentiellement basées, non sur l’abandon du soi, mais sur l’amélioration, le raffinement du soi, ce qui est la continuité du soi sous différentes formes. Très rares sont ceux qui échappent à la société, pas à ses pièges extérieurs, mais à toutes les implications d’une société fondée sur l’acquisition, l’envie, la comparaison, la compétition. Cette société conditionne l’esprit à un modèle particulier de pensée, le modèle de l’amélioration de soi, de l’ajustement de soi et du sacrifice de soi, et seuls ceux qui sont capables de se détacher de tout ce conditionnement peuvent découvrir ce qui n’est pas mesurable par l’esprit.


Ainsi, partout la société conditionne l’individu, et ce conditionnement prend la forme de l’amélioration de soi, qui est en réalité la perpétuation du « moi », de l’égo, sous différentes formes. L’amélioration personnelle peut être grossière, ou très très raffinée lorsqu’elle devient la pratique de la vertu, de la bonté, le soit-disant amour de son voisin, mais dans son essence c’est la continuité du « moi », qui est un produit des influences conditionnantes de la société. Tout votre effort concourt à devenir quelque chose – que ce soit ici, si vous pouvez le faire, ou sinon, dans un autre monde – mais c’est le même désir, le même effort pour maintenir et continuer le soi.




Peut-on fonctionner sans ambition ?

Peut-on vivre dans ce monde sans ambition, sans l’image du plaisir que la pensée a créée ? Peut-on fonctionner techniquement, extérieurement, sans ce poison de l’ambition ? On peut le faire, mais c’est possible uniquement quand nous comprenons l’origine du penser et comprenons dans le présent, dans les faits, l’irréalité de la division entre l’observateur et l’observé.


Alors nous pouvons agir, parce qu’alors la vertu a un sens complètement différent. Ce n’est pas la vertu morale d’une société laide et corrompue, mais la vertu qui est ordre. La vertu, comme l’humilité, n’est pas quelque chose à cultiver par la pensée. La pensée n’est pas vertueuse ; elle est bourgeoise, mesquine, et il n’est possible à la pensée de comprendre ni l’amour, ni la vertu, ni l’humilité.




Du désir d’être quelque chose vient le besoin de diriger.

Ainsi, l’esprit recherche continuellement à être quelque chose, et de ce fait augmente son propre sens de puissance, de position, de prestige. Du désir d’être quelque chose vient le besoin de diriger, de suivre, le culte du succès ; et par conséquent il n’y a pas de perception profonde et individuelle de la réalité intérieure.


Si on voit réellement ce processus entier, est-il alors possible de couper à la racine sa propre recherche de puissance ? Comprenez-vous le sens de ce mot « puissance » ? Le désir de dominer, de posséder, d’exploiter, de dépendre des autres — tout cela est sous-entendu dans cette recherche de la puissance. Nous pouvons trouver d’autres explications et de plus subtiles, mais le fait est que l’esprit humain recherche la puissance et, dans la recherche de la puissance, il perd son individualité.


Oeuvres collectées, Vol. IX -




jeudi 21 novembre 2013

La beauté et l’observation de la nature.

Beaucoup d’entre vous vivent en ville avec la foule, le bruit et la saleté de l’environnement. Probablement, vous n’avez pas souvent de contact avec la nature. Mais il y a la mer, merveilleuse, et vous n’êtes pas en relation avec elle. Vous la regardez, vous y nagez peut-être, mais la sensation de cette mer, son énorme vitalité et son énergie, la beauté de la vague s’écrasant sur le rivage – il n’y a pas communication entre vous et ce merveilleux mouvement de la mer. Et, si vous n’avez pas de rapport à cela, comment pouvez-vous avoir un rapport à l’autre ? Si vous ne percevez pas la mer, la qualité de l’eau, les vagues, l’immense vitalité de la marée qui monte et descend, comment pourriez-vous être conscient, être sensible à la relation humaine ? Je vous en prie, il est très important de comprendre cela, car la beauté n’est pas seulement dans la forme physique, l’essence de la beauté est dans cette qualité de sensibilité, la qualité de l’observation de la nature.

De la nature et de l’environnement




mardi 19 novembre 2013

C’est seulement un esprit confus qui choisit

Il y a parmi les concepts fallacieux celui qui prétend que l’homme est libre. Bien sûr, l’homme est libre de ses choix, mais quand il choisit, il est déjà dans la confusion. Quand vous voyez quelque chose vraiment clairement, vous ne faites pas de choix. S’il vous plaît observez ce fait en vous-même. Quand vous voyez quelque chose très clairement, où est la nécessité de choisir ? Il n’y a pas de choix. C’est seulement un esprit confus qui choisit, qui dit :« Ceci est bon, ceci est mauvais, je dois faire cela parce que c’est juste », et ainsi de suite, pas un esprit clair et précis qui voit directement les choses. Pour un tel esprit il n’est pas de choix.


Voyez-vous, nous disons que nous choisissons et que de ce fait, nous sommes libres. C’est l’une des absurdités que nous avons inventée, car fondamentalement, nous ne sommes pas libres du tout. Nous sommes conditionnés, et il faut une compréhension énorme de ce conditionnement pour être libre.




lundi 18 novembre 2013

Nous vénérons le succès.

20131118-070704.jpg


Nous voulons tous devenir quelque chose : pacifiste, héros de guerre, millionnaire, homme vertueux, ou ce que vous voulez. Le désir profond de devenir entraîne le conflit, et ce conflit produit la guerre. Il n’y a de paix que s’il n’y a aucun désir de devenir quelque chose, et c’est le seul état véritable parce que dans cet état de solitude il y a création, il y a réalité.


Mais cela est complètement étranger à la structure entière de la société, qui est la projection de vous-même. Vous vénérez le succès. Votre dieu est le succès, lequel donne les titres, les diplômes, la position, et l’autorité. Il y a une bataille constante en vous – la lutte pour accomplir ce que vous voulez. Vous n’avez jamais un moment de paix, il n’y a jamais de paix dans votre coeur parce que vous tâchez constamment de devenir quelque chose, de progresser. Ne vous trompez pas sur le sens du mot progrès. Les choses mécaniques progressent, mais la pensée ne peut jamais progresser, sauf à propos de son propre devenir.


Oeuvres collectées, Vol. VI – 196




dimanche 17 novembre 2013

Penser au futur c’est avoir des racines dans le sol de l’incertitude.

20131117-202313.jpg


Il doit y avoir réaction ou autrement c’est la mort ; mais s’assurer que cette réaction ne prolonge pas sa racine dans le présent ou dans le futur c’est le problème. La pensée est destinée à surgir, mais en être conscient et en finir avec elle immédiatement est essentiel. Penser à la pensée, l’examiner, jouer avec elle, revient à la prolonger, à lui donner racine. Il est réellement important de comprendre ceci.


Voir comment l’esprit pense à la pensée c’est réagir au fait. La réaction est la tristesse et ainsi de suite. Commencer à se sentir triste, penser aux conséquences futures, compter les jours, etc., c’est donner racine à la pensée au sujet du fait. Ainsi l’esprit crée des racines, et ensuite comment les déraciner devient un autre problème, une autre idée. Penser au futur c’est avoir des racines dans le sol de l’incertitude.


Lettres à une jeune amie – 26




Ils pensent savoir ce qui est bon pour l’homme.

20131117-190317.jpg


Il me semble que le monde entier cherche à capturer l’esprit humain. Nous avons créé le monde psychologique de la relation, le monde dans lequel nous vivons, et celui-ci nous contrôle en retour, modelant notre pensée, nos activités, notre être psychologique. Chaque organisation politique et religieuse, vous le constaterez, en a après l’esprit de l’homme – dans le sens de vouloir le capturer, le façonner selon un certain modèle.


Les élites dirigeantes du monde communiste conditionnent de manière évidente l’esprit de l’homme dans toutes les directions, et c’est également vrai des religions organisées à travers le monde, qui depuis des siècles ont essayé de façonner la manière de penser de l’homme. Chaque groupe spécialisé, qu’il soit religieux, séculier, ou politique, tâche d’attirer et de maintenir l’homme à l’intérieur du modèle que ses livres, ses chefs, le petit groupe qui détient la puissance pensent être bon pour lui.


Ils pensent qu’ils connaissent le futur ; ils pensent qu’ils connaissent ce qui est ultimement bon pour l’homme. Les prêtres, avec leur soit-disant autorité religieuse, aussi bien que les puissants de ce monde – qu’ils soient à Rome, à Moscou, en Amérique, ou n’importe où – tous essayent de contrôler le processus de pensée de l’homme, n’est-ce pas ? Et la plupart d’entre nous acceptent avec empressement une certaine forme d’autorité et se soumettent à elle. Ils sont très peu ceux qui échappent à l’emprise de ce contrôle organisé de l’homme et de sa pensée.




Si vous arrêtiez de croire, vous pourriez perdre votre emploi, vous pourriez découvrir soudain que vous n’êtes personne.

La croyance n’est pas la réalité. Vous pouvez croire en Dieu, mais votre croyance n’a pas plus de réalité que celle de l’homme qui ne croit pas en Dieu. Votre croyance est le résultat de votre pensée, de votre religion, de vos peurs, et l’incroyance du communiste et d’autres est également le résultat de leur conditionnement. Pour trouver ce qui est vrai , l’esprit doit être libre de la croyance comme de l’incroyance.


Je sais que vous souriez et que vous approuvez, mais vous continuerez toujours à croire parce que c’est tellement plus commode, tellement plus respectable et sécurisant. Si vous arrêtiez de croire, vous pourriez perdre votre emploi, vous pourriez découvrir soudain que vous n’êtes personne. C’est être libre de la croyance qui compte, et non votre sourire et votre approbation dans cette pièce.


Oeuvres collectées, Vol. VIII – 294




mercredi 13 novembre 2013

Comment pouvez-vous penser à quelque chose que vous ne connaissez pas ?

20131113-194234.jpg


Interlocuteur : Le fait de penser à Dieu ne participe-t-il pas à l’avènement de sa réalisation ?


Krishnamurti : Peut-on vraiment penser à Dieu, le concevoir ? Peut-on être convaincu de son existence par la lecture de témoignages ? L’athée, lui aussi, a ses témoignages probants ; il a probablement étudié tout autant que vous, et il affirme que Dieu n’existe pas. Vous croyez qu’il existe, lui non ; vous avez tous deux une croyance, et vous passez tous deux votre temps à penser à Dieu. Mais avant de réfléchir à quelque chose qu’on ne connaît pas, il faut d’abord découvrir ce qu’est penser, ne croyez-vous pas ? Comment pouvez-vous penser à quelque chose que vous ne connaissez pas ?


Peut-être avez-vous lu la Bible, la Bhagavad Gîtâ, ou d’autres textes dans lesquels des auteurs érudits ont très habilement décrit ce qu’est Dieu, affirmant ceci ou réfutant cela, et pourtant, tant que vous ne connaîtrez pas le processus de votre pensée, la notion que vous avez de Dieu risque fort d’être stupide, et en général elle l’est. Vous pouvez rassembler force témoignages en faveur de l’existence de Dieu, et écrire à ce sujet des articles très intelligents, mais il est évident que la première question qui se pose est celle-ci : comment savez-vous que ce que vous pensez est vrai ? La pensée peut-elle jamais donner accès à l’expérience de ce qui est inconnaissable ? Ce qui ne signifie pas que vous deviez forcément, sur le plan émotionnel, sentimental, accepter n’importe quelle niaiserie au sujet de Dieu.




mardi 12 novembre 2013

Ne pas se connaître soi-même, c’est détruire l’ordre sacré des choses

20131112-081909.jpg


La véritable intelligence consiste à rendre au savoir la place qui lui revient. Sans certaines connaissances, il n’est pas possible de vivre dans cette société technologique et presque mécanique, mais ce savoir ne pourra transformer radicalement l’être humain et le monde dans lequel il vit. Le savoir n’est pas la perfection de l’intelligence. L’intelligence peut faire appel au savoir et le fait effectivement, transformant ainsi l’homme et la société. Mais l’intelligence ne réside pas dans le seul fait de cultiver l’intellect et son intégrité. Elle découle d’une compréhension pleine et lucide de la conscience de l’homme, de vous-même, et non d’une partie, d’un segment isolé de vous-même.


L’étude et la compréhension du mouvement de votre propre esprit, de votre propre coeur donne naissance à l’intelligence.Vous êtes le contenu de votre propre conscience ; en vous connaissant vous-même, vous connaîtrez l’univers entier. Cette connaissance se situe au-delà des mots, car le mot n’est pas la chose. Se libérer du connu, à chaque instant de votre vie, voilà l’essence de l’intelligence. C’est cette forme d’intelligence qui agit dans l’univers si vous n’y faites pas obstacle. Ne pas se connaître soi-même, c’est détruire l’ordre sacré des choses. Les études que d’autres ont pu entreprendre sur vous ou sur eux-mêmes ne modifient en rien cette ignorance. C’est à vous et vous seul qu’il appartient d’étudier le contenu de votre conscience. Les recherches menées par d’autres sur eux-mêmes, et donc sur vous, ne sont qu’autant de descriptions. Le mot n’est pas la chose.




dimanche 10 novembre 2013

Les mots mêmes « espoir » et « changement » impliquent le temps

20131110-190547.jpg


Nous pensons avoir besoin du temps pour changer de « ceci » en « cela ». Les mots mêmes « espoir » et « changement » impliquent le temps. Il est clair que nous avons besoin de temps pour voyager, pour atteindre un port ou un pays après un long trajet à destination d’un lieu souhaité. Ce lieu souhaité, c’est l’avenir. Il est bien évident que dans les domaines de la performance, de l’acquisition, et de la formation professionnelle qui exige un certain entraînement, le temps est non seulement nécessaire mais indispensable. Alors nous étendons ce même mouvement de devenir au domaine psychologique. Mais le devenir psychologique existe-t-il vraiment ? Nous le prenons comme un fait accompli, sans jamais le remettre en question. Les religions et les livres évolutionnistes nous ont appris qu’il faut du temps pour changer « ce qui est » en « ce qui devrait être ». La distance à franchir est le temps. Nous acceptons que le passage de la violence à la non-violence implique du plaisir et de la souffrance et qu’il faille énormément de temps pour atteindre cet idéal. Nous suivons ce schéma aveuglément, chaque jour de notre vie, sans rien remettre en question. Nous ne doutons pas. Nous suivons le processus traditionnel. Et cet espoir de l’accomplissement, qui n’est pas atteint sans difficultés, est sans doute l’un des malheurs de l’homme.

Le temps – qui change ce qui est en quelque chose de tout à fait différent – fait-il réellement partie du domaine psychologique ?

Dernier journal. Pages 59 et 60. Vendredi 25 mars 1983. Editions du Seuil. 1997




samedi 9 novembre 2013

En solitaire avec François Cluzet

20131109-083135.jpg


On 08 novembre 2013 at 18:30…


“Sortie cinéma pour un film plein de beauté, tant humaine que cinématographique.”


Captured with Momento – http://momentoapp.com