Translate

vendredi 28 février 2014

C’est l’idée que nous devons être en paix avec nous-mêmes qui rend le mécontentement douloureux

C’est l’idée que nous devons être en paix avec nous-mêmes qui rend le mécontentement douloureux


"C’est l’idée que nous devons être en paix avec nous-mêmes qui rend le mécontentement douloureux. Vous pensez que vous devez être quelque chose n’est-ce pas ? – Un individu responsable, un citoyen utile et tout le reste…


C’est, en fait, parce que l’esprit part d’une conclusion, d’une croyance, d’une expérience, d’un savoir qu’il se fait prendre par la routine, le filet de l’habitude, et étouffe ainsi le feu du mécontentement."


Commentaires sur la vie – Tome 3 p




mardi 25 février 2014

Un esprit dégagé de toute peur est capable de beaucoup aimer.

Un esprit dégagé de toute peur est capable de beaucoup aimer, et l’amour peut agir à son gré.


Et d’abord, peut-on rejeter toute autorité ? Si on le peut, c’est que l’on n’a plus peur. Et alors qu’arrive-t-il ? Lorqu’on rejette une erreur dont on a porté le fardeau pendant des générations, qu’est-ce qui a lieu ?… N’arrive-t-il pas que l’on est animé d’un surcroît d’énergie ? On se sent davantage capable d’agir, on a plus d’élan, plus d’intensité, plus de vitalité. Si ce n’est pas cela que vous ressentez, c’est que vous n’avez pas rejeté le fardeau, c’est que vous ne vous êtes pas débarrassés du poids mort de l’autorité.


Mais lorsqu’on s’en est débarrassé et que l’on possède cette énergie en laquelle ne subsiste aucune peur, aucune crainte de se tromper, de ne pas savoir choisir entre le bien et le mal, cette énergie n’est-elle pas, alors, la mutation ? Une immense énergie nous est nécessaire, et nous la dissipons dans la peur ; mais lorsque cette vitalité survient du fait que nous avons rejeté la peur sous toutes ses formes, c’est elle-même, cette énergie, qui provoque en nous une révolution radicale : nous n’avons pas à intervenir du tout.


Ainsi l’on reste seul avec soi-même et cet état est effectivement celui de l’homme qui considère ces questions avec beaucoup de sérieux : ne comptant sur l’aide de personne ni de rien, il est libre de s’en aller vers des découvertes. La liberté est inséparable de l’énergie et celle-ci, étant libre, ne peut jamais rien faire qui soit erroné. La liberté diffère totalement de la révolte. La question de « faire bien » ou de « faire mal » ne se pose pas dans la liberté. Étant libre, on agit à partir de ce centre, on est donc sans peur. Un esprit dégagé de toute peur est capable de beaucoup aimer, et l’amour peut agir à son gré.


Se libérer du connu – Ch. 1 – Stock


Citation précédente Citation suivante


Accès adhérents | Espace privé | Plan du site | Références du site




dimanche 23 février 2014

La vérité est ce que vous êtes.

La vérité est ce que vous êtes.


Si j’étais assez sot pour vous donner un système et si vous étiez assez sots pour l’adopter, vous ne feriez que copier, imiter, vous conformer, accepter, et en fin de compte ériger en vous-mêmes une autorité, laquelle provoquerait un conflit entre elle et vous. Vous éprouveriez la nécessité de faire ce que l’on vous a dit, tout en vous sentant incapables de le faire. Vos inclinations, vos tendances, vos besoins seraient en conflit avec le système que vous croiriez devoir suivre et vous seriez dans un état de contradiction. Vous mèneriez ainsi une double vie entre l’idéologie du système et la réalité de votre existence quotidienne. En essayant de vous conformer à l’idéologie, vous vous oblitéreriez vous-mêmes tandis que ce qu’il y a de vrai n’est pas l’idéologie : la vérité est ce que vous êtes. Si l’on essaie de s’étudier selon autrui, on demeure indéfiniment une personne « de seconde main ».

Se libérer du connu – Ch. 1 – Stock




samedi 22 février 2014

Il n’existe qu’un seul processus unitaire, un seul mouvement entier, total.

Il n’existe qu’un seul processus unitaire, un seul mouvement entier, total : le mouvement intérieur s’exprimant en tant qu’extérieur et l’extérieur réagissant à son tour sur l’intérieur


Pouvons-nous donc, vous et moi, provoquer en nous-mêmes — sans aucune influence extérieure, sans nous laisser persuader, sans crainte de punition — pouvons-nous provoquer dans l’essence même de notre être une révolution totale, une mutation psychologique, telles que la brutalité, la violence, l’esprit de compétition, l’angoisse, la peur, l’avidité, et toutes les manifestations de notre nature qui ont construit cette société pourrie où nous vivons quotidiennement, cessent d’exister ?


Il est important de comprendre au départ que je ne cherche pas à formuler quelque philosophie, quelque concept, idée ou structure théologique. Il m’apparaît que toutes les idéologies sont totalement idiotes. Ce qui importe, ce n’est pas d’adopter une philosophie de la vie, mais d’observer ce qui a lieu, en toute vérité, dans notre vie quotidienne, intérieurement et extérieurement. Si vous l’observez de très près et si vous l’examinez, vous verrez que tout ce qui se passe est basé sur des conceptions intellectuelles ; et pourtant, l’intellect n’est pas toute la sphère de l’existence : ce n’en est qu’un fragment, et un fragment, quelque habile que soit son assemblage, quelque antique que soit sa tradition, n’est encore qu’une petite partie de l’existence, tandis que ce qui nous importe c’est la totalité de la vie. Lorsque nous voyons ce qui a lieu dans le monde, nous commençons à comprendre que ce n’est pas l’effet de deux processus, l’un extérieur, l’autre intérieur, mais qu’il n’existe qu’un seul processus unitaire, un seul mouvement entier, total : le mouvement intérieur s’exprimant en tant qu’extérieur et l’extérieur réagissant à son tour sur l’intérieur.


Être capable de regarder tout cela, me semble être la seule chose dont nous ayons besoin, car lorsque nous savons regarder, l’ensemble devient très clair et regarder n’exige ni philosophie ni maître. Il n’est guère utile qu’on vous dise « comment » regarder : regardez, et voilà tout.


Pouvez-vous, alors, voyant le tableau général de ce qui est, le voyant, non pas intellectuellement, mais en fait, pouvez-vous aisément, spontanément, vous transformer ? Là est le point essentiel : est-il possible de provoquer une révolution totale dans la psyché ?


Se libérer du connu – Ch. 1 – Stock




vendredi 21 février 2014

pouvons-nous provoquer dans l’essence même de notre être une révolution totale ?

Pouvons-nous donc, vous et moi, provoquer en nous-mêmes — sans aucune influence extérieure, sans nous laisser persuader, sans crainte de punition — pouvons-nous provoquer dans l’essence même de notre être une révolution totale ?


La Vérité n’a pas de sentier, et c’est cela sa beauté : elle est vivante. Une chose morte peut avoir un sentier menant à elle, car elle est statique. Mais lorsque vous voyez que la vérité est vivante, mouvante, qu’elle n’a pas de lieu où se reposer, qu’aucun temple, aucune mosquée ou église, qu’aucune religion, qu’aucun maître ou philosophe, bref que rien ne peut vous y conduire — alors vous verrez aussi que cette chose vivante est ce que vous êtes en toute réalité : elle est votre colère, votre brutalité, votre violence, votre désespoir. Elle est l’agonie et la douleur que vous vivez.


La vérité est en la compréhension de tout cela, vous ne pouvez le comprendre qu’en sachant le voir dans votre vie. Il est impossible de le voir à travers une idéologie, à travers un écran de mots, à travers l’espoir et la peur.


Nous voyons donc que nous ne pouvons dépendre de personne. Il n’existe pas de guide, pas d’instructeur, pas d’autorité. Il n’y a que nous et nos rapports avec les autres et avec le monde. Il n’y a pas autre chose. Lorsque l’on s’en rend compte, on peut tomber dans un désespoir qui engendre du cynisme ou de l’amertume, ou, nous trouvant en présence du fait que nous et nul autre sommes responsables de nos pensées, de nos sentiments, et de nos actes, nous cessons de nous prendre en pitié. En général, nous prospérons en blâmant les autres, ce qui est une façon de se prendre en pitié.


Pouvons-nous donc, vous et moi, provoquer en nous-mêmes — sans aucune influence extérieure, sans nous laisser persuader, sans crainte de punition — pouvons-nous provoquer dans l’essence même de notre être une révolution totale, une mutation psychologique, telles que la brutalité, la violence, l’esprit de compétition, l’angoisse, la peur, l’avidité, et toutes les manifestations de notre nature qui ont construit cette société pourrie où nous vivons quotidiennement, cessent d’exister ?




mercredi 19 février 2014

La responsabilité de chacun est d’opérer un changement radical en soi

20140219-191756.jpg


"Question : Comment pouvons-nous prendre la responsabilité de ce qui se passe dans le monde tout en continuant de fonctionner dans notre vie quotidienne ? Comment agir correctement en ce qui concerne la violence et quand on y est confronté ?


Y a-t-il une différence entre ce qui arrive dans le monde extérieur et ce qui se passe à l’intérieur de nous ? Il y a, dans le monde, de la violence, une effervescence extraordinaire, une crise après l’autre. Il y a des guerres, des divisions entre nationalités, des différences religieuses, raciales et communautaires, un ensemble de concepts systématisés se dressant contre un autre. Est-ce différent de ce qui se passe à l’intérieur de nous-mêmes ?

Nous aussi sommes violents, nous aussi sommes pleins de vanité, terriblement malhonnêtes, portant des masques différents selon l’occasion. Il s’agit donc d’un mouvement analogue à la marée montante et descendante. C’est nous, êtres humains, qui avons créé ce qui se passe au dehors, et changer cela est impossible si nous ne changeons pas nous-mêmes en tant qu’êtres humains.

C’est là qu’est la racine du mal. Nous voulons faire quelque chose dans le monde, avoir de meilleures institutions, de meilleurs gouvernements, etc., mais jamais nous n’admettons que nous avons créé ce monde tel qu’il est. Si nous ne changeons pas, il ne pourra changer. Après avoir vécu des millions d’années, nous sommes exactement les mêmes.


Nous n’avons pas fondamentalement changé et nous continuons à ravager le monde. Le fait est que nous sommes le monde, non en tant qu’idée, mais en tant que réalité. Voyez-vous la différence entre l’idée et la réalité ? Nous avons entendu dire que nous sommes le monde et nous en avons fait une idée, une abstraction. Puis nous nous mettons à discuter cette idée pour savoir si elle est vraie ou fausse, et nous la perdons de vue.

Mais le fait est que nous sommes le monde ; c’est ainsi. Donc, nous portons la responsabilité de changer le monde. Cela veut dire que nous portons la pleine responsabilité de notre façon de vivre tous les jours. II ne s’agit pas d’essayer de modifier le chaos existant, de l’embellir, de faire partie d’un groupe ou d’un autre, ou de quelque institution ; en tant qu’être humain qui est le monde, il s’agit de subir soi-même une transformation radicale ; sans cela, il ne peut y avoir de bonne société. La plupart d’entre nous trouvons le changement difficile, par exemple : ne plus fumer. Il y a des institutions qui vous aident à ne plus fumer ! Voyez comme on en dépend.


Peut-on découvrir pourquoi on ne change pas, pourquoi, si on voit le mal – le « mal » entre guillemets – on n’y met pas fin immédiatement ? Est-ce parce qu’on espère qu’il se trouvera quelqu’un d’autre pour mettre de l’ordre dans le monde et qu’on n’aura plus qu’à s’y glisser ? Est-ce parce que nous sommes indolents, psychologiquement paresseux, inefficaces ? Que d’années on passe à acquérir certaines techniques, à terminer ses études secondaires, supérieures, l’université, à devenir docteur, cependant, on ne veut pas consacrer une journée à effectuer un changement en soi-même. Donc, la responsabilité de chacun est d’opérer un changement radical en soi, parce qu’on est le reste de l’humanité.


De la connaissance de soi, Courrier du Livre.




mardi 18 février 2014

La méditation c’est tout ce que l’air apporte, c’est tout ce qu’est le vent…

La méditation c’est tout ce que l’air apporte, c’est tout ce qu’est le vent… Il faut qu’elle soit ouverte par amour, par affection, en toute liberté, et pas dans l’attente de quelque chose.


Nous allons méditer ensemble… comme lorsqu’on laisse la fenêtre ouverte et que l’air entre à sa guise. La méditation c’est tout ce que l’air apporte, c’est tout ce qu’est le vent… Il faut qu’elle soit ouverte par amour, par affection, en toute liberté, et pas dans l’attente de quelque chose. Voilà ce qu’est cet état de beauté, cet état de l’esprit qui voit mais ne demande rien.

Avoir pleinement conscience des choses est un état d’esprit extraordinaire – avoir conscience de son environnement, des arbres, de l’oiseau qui chante, du soleil levant, là derrière vous ; être attentif aux visages, aux sourires, à la boue qui couvre la route ; percevoir la beauté de ce pays, d’un arbre se détachant sur la rougeur du ciel, du friselis de l’eau -, avoir de toute chose une conscience sans choix. C’est ce que je vous invite à faire en chemin. Écoutez ces oiseaux, ne cherchez pas à les nommer, à en identifier l’espèce, écoutez simplement leurs bruits.

Écoutez le mouvement de vos pensées ; ne les contrôlez pas, ne les façonnez pas, ne dites pas : « Celle-ci est bonne, celle-là est mauvaise. » Mais accompagnez-en le mouvement.

C’est cela, la conscience dénuée de tout choix, de toute condamnation, comparaison ou interprétation, et qui n’est qu’observation. Voilà qui rend l’esprit hautement sensitif. Dans cet état de vigilance, il y a attention – mais point de contrôle ni de concentration. Rien que l’attention. Autrement dit, vous êtes dans un même temps en train d’écouter les oiseaux, de voir le soleil se lever, d’entendre passer les voitures, d’être attentifs à vos pensées et à vos sentiments, et au mouvement dont est animée cette attention. Votre attention est globale, sans limites, et couvre non seulement le conscient, mais aussi l’inconscient.

Lorsque l’esprit est ainsi attentif, le processus d’association de la pensée prend fin naturellement et l’esprit devient tranquille. Alors de cette tranquillité surgit un tout autre mouvement… Cette méditation-là part de l’éternel et rejoint l’éternel, car le fondement sur lequel on s’appuie n’est plus le temps, mais la réalité.

Krishnamurti, La fenêtre ouverte -




lundi 17 février 2014

Il a faim et vous lui procurez de la nourriture. Est-ce de l’amour ?

20140217-074434.jpg


A : Si je soulage sa misère, n’est-ce pas de l’amour ?


K : Il a faim et vous lui procurez de la nourriture. Est-ce de l’amour ? Pourquoi voulez-vous le secourir ? N’avez-vous pas d’autre motif, pas d’autre mobile que le désir de venir à son aide ? N’en obtenez-vous aucun bénéfice ? Pensez-y. Ne dites pas tout de suite oui ou non. Si vous en attendez un bénéfice, politique ou autre, matériel ou psychologique, c’est que vous n’aimez pas. Vous désirez une certaine popularité, ou que des amis vous aident . Est-ce de l’amour ? Si vous aimez vous secourrez ce malheureux sans aucun autre motif, sans rien vouloir en échange. Si l’ingratitude vous affecte, c’est que vous n’aimez pas. Si quand on vous remercie avec effusion, et que l’on chante vos louanges, vous vous sentez flatté, c’est que vous pensez à vous-mêmes et ce n’est certainement pas de l’amour. On doit être très éveillé pour découvrir si l’on retire un bénéfice quelconque de sa charité et pour comprendre les mobiles profonds qui nous font agir.


Face à la vie. P.102 – ADYAR – PARIS.




dimanche 16 février 2014

Pourquoi y a-t-il de la souffrance et de la misère dans le monde ?

Pourquoi y a-t-il de la souffrance et de la misère dans le monde ?


Je me demande si ce garçon sait ce que veulent dire ces mots. Peut-être a-t-il vu un âne trop chargé, dont les jambes semblaient sur le point de se briser, ou un autre garçon pleurer, ou une mère battant son enfant. Peut-être a-t-il vu des grandes personnes se disputer. Et il y a la mort, le corps qu’on emporte pour le brûler ; il y a le mendiant, il y a la pauvreté, la maladie, la vieillesse ; il y a la douleur hors de nous et aussi en nous ; et il demande : qu’est-ce que c’est que la douleur ? Ne voulez-vous pas le savoir vous aussi ? Ne vous êtes-vous jamais demandé quelle est la cause de votre propre douleur ? Pourquoi existe-t-elle ? Si je veux quelque chose : plus d’argent, plus de saris, plus de beauté, et que je ne l’obtiens pas, je suis malheureux. Si j’aime une personne qui ne m’aime pas, si mon père meurt, je souffre. Pourquoi ? Pourquoi devrions –nous obtenir ce que nous désirons ? Pensons-nous peut-être que c’est notre droit, lorsque des millions de personnes n’ont même pas le strict nécessaire ? Nous avons tous besoin de nourriture, de vêtements, de logements ; Mais pourquoi désirons –nous beaucoup plus que cela ? Nous voulons réussir dans la vie, être respectés, aimés, servis, être puissants, être un poète, un saint, un orateur célèbre, premier ministre ou président. Pourquoi ? Vous l’êtes-vous jamais demandé ?


Je ne dis pas qu’il faut être satisfait de ce que l’on est. Ce serait affreux et stupide. Mais pourquoi vouloir toujours « plus » ? Cela indique que l’on n’est pas satisfait, c’est entendu, mais de quoi ? De ce que l’on est ? « Je suis ceci mais je voudrais être cela ». « Je serais plus jolie dans un nouveau sari ». N’étant pas satisfait, on fuit ce mécontentement en acquérant plus de vêtements, plus de prestige, etc… Mais l’insatisfaction est toujours là : on n’a fait que la camoufler pour un temps.


Nous devons donc découvrir et comprendre ce que nous sommes. Nous cacher à nous-mêmes en acquérant des possessions, ou en devenant une personne importante n’a aucun sens, parce que cela ne nous rendra pas plus heureux. Si, quand on souffre, on comprend cela, on ne court pas chez un gourou, on ne se cache pas derrière des possessions. Au contraire, on cherche à savoir ce que cache la douleur, on s’aperçoit que l’on souffre parce que l’on est petit, vide, limité, et qu’on fait des efforts pour « parvenir », pour « devenir ». Cette lutte est la cause de la douleur. Mais si l’on commence à comprendre ce que l’on est, et qu’on s’enfonce de plus en plus profondément dans cette perception, quelque chose de tout différent se produit.


Face à la vie. P.100 – ADYAR – PARIS.




jeudi 13 février 2014

Nous aimerions, dans l’éducation, donner à la mort une certaine réalité factuelle

Nous aimerions, dans l’éducation, donner à la mort une certaine réalité factuelle


Nous voudrions aider – non, ce n’est pas le mot juste – nous aimerions, dans l’éducation, donner à la mort une certaine réalité factuelle, non pas la mort d’un autre, mais la nôtre. Jeunes ou vieux, nous devrons inévitablement lui faire face. Ce n’est pas une chose triste, faite de larmes, de solitude, de séparation. Nous tuons si facilement, non seulement les animaux destinés à notre alimentation, mais encore ceux que nous massacrons inutilement, par divertissement – on appelle cela un sport. Tuer un cerf, parce que c’est la saison, équivaut à tuer son voisin. On tue les animaux parce que l’on a perdu contact avec la nature, avec les créatures qui vivent sur cette terre. On tue à la guerre au nom de tant d’idéologies romantiques, nationalistes ou politiques. Nous avons tué des hommes au nom de Dieu. La violence et la tuerie vont de pair. Et devant cette feuille morte dans toute sa beauté, sa couleur, peut-être pourrions-nous être conscients au plus profond de nous-mêmes, saisir ce que doit être notre propre mort, non pas à la fin ultime, mais au tout début de notre vie.


La mort n’est pas une chose horrible, une chose à éviter, à différer, mais plutôt une compagne de chaque jour. De cette perception naît alors un sens extraordinaire de l’immensité.


Dernier journal – Vendredi 30 mars 1984




mardi 11 février 2014

Comme on enseigne aux enfants les mathématiques, l’écriture, la lecture et tout ce qui a trait à l’acquisition du savoir, il faudrait aussi leur apprendre la grande dignité de la mort.

Comme on enseigne aux enfants les mathématiques, l’écriture, la lecture et tout ce qui a trait à l’acquisition du savoir, il faudrait aussi leur apprendre la grande dignité de la mort.


Un jour que nous marchions le long d’un chemin, nous avons entendu derrière nous une psalmodie mélodieuse, rythmée, empreinte de la force immémoriale du sanskrit. Nous étant arrêtés, nous avons vu le fils aîné, nu jusqu’à la taille, qui portait un récipient de terre cuite dans lequel brûlait un feu. Derrière lui venaient deux hommes portant son père mort, dont le corps était recouvert d’un linceul blanc. Tous marchaient en psalmodiant et, comme nous connaissions ce chant, nous avons failli nous joindre à eux. Comme ils nous dépassaient, nous les avons suivis quand ils ont descendu la route, toujours psalmodiant. Le fils aîné pleurait. Ils ont porté le père jusqu’au rivage où ils avaient déjà amassé un grand tas de bois. Ayant posé le corps au sommet de ce tas, ils y ont mis le feu. Tout était si naturel, si extraordinairement simple. Point de fleurs, de corbillard, point de voiture attelée de chevaux noirs. Tout cela se déroulait dans un grand calme, dans une parfaite dignité. Et devant cette feuille surgissaient à l’esprit les milliers de feuilles de l’arbre. L’hiver l’avait conduite de sa branche-mère jusqu’à ce chemin où elle se dessécherait complètement, se fanerait pour disparaître, emportée par les vents, perdue pour toujours.


Comme on enseigne aux enfants les mathématiques, l’écriture, la lecture et tout ce qui a trait à l’acquisition du savoir, il faudrait aussi leur apprendre la grande dignité de la mort. Elle n’est pas une chose morbide et douloureuse à laquelle nous sommes confrontés un jour ou l’autre, mais fait partie de la vie de chaque jour – comme le regard que l’on porte sur le ciel bleu ou la sauterelle posée sur une feuille. Elle fait partie de l’apprentissage de la vie, comme la poussée des dents et les maladies infantiles avec leurs fièvres. Les enfants sont doués d’une extraordinaire curiosité.


Dernier Journal – Vendredi 30 mars 1984




lundi 10 février 2014

Nous ne semblons pas capables de mourir dans la dignité et la simplicité, avec le sourire.

Malgré le grand nombre de médecins, les médicaments et les hôpitaux, les opérations et tous les efforts de l’existence comme ses plaisirs, nous ne semblons pas capables de mourir dans la dignité et la simplicité, avec le sourire.


Ce matin, nous descendions sur la route. C’était le printemps et le ciel était exceptionnellement bleu, sans le moindre nuage, le soleil chaud sans excès. On se sentait bien. Les feuilles brillaient dans l’air étincelant. Tout était vraiment d’une beauté extraordinaire. La haute montagne était là, impénétrable, entourée de collines verdoyantes. Comme nous marchions tranquillement, sans trop penser, nous avons aperçu à nos pieds une feuille morte, marquée de jaune et de rouge éclatant, une feuille d’automne. Comme elle était belle, si simple dans sa mort, si vivante, pleine de la beauté de la vitalité de son arbre, de l’été. Elle ne s’était pas fanée. En la regardant de près, on pouvait distinguer toutes ses nervures, sa tige et sa forme parfaite. Dans cette feuille s’inscrivait l’arbre entier.


Pourquoi les hommes meurent-ils si lamentablement, dans une telle affliction, dans la maladie, les infirmités du grand âge, la sénilité et cette affreuse décrépitude du corps ? Pourquoi ne peuvent-ils pas mourir naturellement, aussi beaux dans la mort que cette feuille ? Qu’est-ce qui ne va pas en nous ? Malgré le grand nombre de médecins, les médicaments et les hôpitaux, les opérations et tous les efforts de l’existence comme ses plaisirs, nous ne semblons pas capables de mourir dans la dignité et la simplicité, avec le sourire.


Dernier Journal – Vendredi 30 mars 1984




dimanche 9 février 2014

L’incommensurable ne peut se mesurer par des mots.

L’incommensurable ne peut se mesurer par des mots. Nous essayons toujours de l’inclure dans le cadre des mots, pourtant le symbole n’est pas ce qui est.


Le cerveau est le centre de la pensée, laquelle est toujours limitée, en toutes circonstances. Elle peut inventer l’extraordinaire, le théorique, l’incommensurable, mais son invention sera toujours limitée. Voilà pourquoi il faut être complètement libre à l’égard du travail et du labeur de la vie, comme de l’activité égocentrique, pour que l’illimité puisse être. Mais nous vénérons le symbole, vivant ainsi toujours dans une condition limitée. Comme les nuages sont en suspens au-dessus des arbres et que les oiseaux se taisent dans l’attente de l’orage, ce matin convient à une réflexion sérieuse, remettant en question l’existence toute entière, les dieux eux-mêmes et toute l’activité humaine. Nos vies sont si courtes, et durant ce petit laps de temps il n’y a rien à apprendre sur le champ du psychisme, le mouvement de la mémoire ; nous ne pouvons que l’observer. L’observer sans mouvement de la pensée, l’observer sans le temps, sans savoir passé, sans l’observateur qui est l’essence du passé. Simplement regarder. Regarder ces nuages qui se forment et se reforment, les arbres, les petits oiseaux. Tout cela fait partie de la vie.


Quand on regarde attentivement, assidûment, il n’y a rien à apprendre. Il n’y a que cet immense espace, le silence et le vide, l’énergie dévorante.


Dernier journal _ Mardi 19 avril 1983




samedi 8 février 2014

Nous sommes toujours des hôtes sur cette terre

Nous sommes toujours des hôtes sur cette terre


Nous sommes toujours des hôtes sur cette terre, avec l’austérité que cela implique. L’austérité est plus profonde que le renoncement des possessions. Ce mot d’austérité a été spolié par les moines, les ermites, les sannyasi. Il n’avait pas de sens là-haut, dans la solitude des choses, des multitudes de pierres, de petits animaux, de fourmis. Et dans le lointain, au-delà des collines, la grande mer brillait, étincelait. Nous avons scindé la terre comme si elle nous appartenait – votre pays, le mien, votre drapeau, son drapeau, la religion d’ici et celle de l’autre, là-bas.


Le monde, la terre est divisée, en morceaux. Nous nous battons et nous disputons pour la possession, et les politiciens exultent de pouvoir maintenir cette division, sans jamais considérer le monde comme un tout. Ils n’ont pas l’esprit global. Jamais ils ne ressentent ni ne perçoivent l’immense potentiel de n’avoir pas de nationalité ni de division. Ils ne s’aperçoivent jamais de la laideur de leur pouvoir, de leur position, de leur sentiment de supériorité. Ils sont comme vous et moi, mais ils occupent le siège du pouvoir avec toute la mesquinerie de leurs désirs et de leurs ambitions. Ainsi, ils assurent la survivance d’un comportement « tribal » que l’homme a toujours eu à l’égard de l’existence. Ils n’ont pas l’esprit libre de tout idéal ou idéologie, l’esprit qui dépasse les divisions entre les races, les cultures, et les religions que l’homme a inventées.


Les gouvernements seront nécessaires tant que l’homme ne sera pas sa propre lumière, tant qu’il ne mettra pas de l’ordre et de l’affection dans sa vie quotidienne, et qu’il ne portera pas un soin attentif à son travail, à ses observations, à son apprentissage. Il préfère être dirigé dans ses actes, comme il l’a été depuis toujours, par les anciens, les prêtres, les gourous. Et il accepte les ordres de ceux-ci, leurs curieuses pratiques destructrices, comme s’ils étaient des dieux incarnés, comme s’ils connaissaient toutes les conséquences de cette vie si extraordinairement complexe.


J. Krishnamurti – Dernier Journal




jeudi 6 février 2014

Que serait un cerveau très éveillé, non limité par ses propres pensées, ses souvenirs, ses évocations ?

Que serait un cerveau très éveillé, non limité par ses propres pensées, ses souvenirs, ses évocations ?


Cet hiver, il a plu presque constamment depuis trois mois. La Californie a un climat assez extravagant. La terre y est noyée de pluies ou subit une sécheresse absolue. Il y a eu de grands orages et quelques rares jours de soleil. Hier il a plu toute la journée et ce matin les nuages sont bas et le temps est plutôt triste. La pluie d’hier a battu toutes les feuilles. La terre est très mouillée. Les arbres et ce magnifique chêne doivent se demander ce qu’est devenu le soleil. Ce matin, alors que les nuages cachent les montagnes et les collines presque jusqu’au fond de la vallée, surgit la question : que signifie être sérieux ? À quoi correspondrait un esprit ou un cerveau très calme et sérieux ? Sommes-nous jamais sérieux ? Ou vivons-nous toujours dans un monde de superficialité, allant de-ci de-là, nous battant, nous disputant violemment au sujet de choses triviales.


Que serait un cerveau très éveillé, non limité par ses propres pensées, ses souvenirs, ses évocations ? Qui serait libre de toute l’agitation de la vie, de la douleur, de l’angoisse et de la souffrance sans fin ? Pourrait-il exister un esprit totalement libre, qui ne soit pas déformé par les influences, par l’expérience et par l’immense accumulation de savoir ? Le savoir est du temps ; apprendre exige du temps. Pour apprendre à jouer du violon, il faut une patience infinie, des mois d’exercices, des années de concentration fervente. Acquérir un savoir-faire, devenir un athlète, créer un bon moteur ou se rendre sur la lune, tout cela exige du temps. Mais y a-t-il quelque chose à apprendre au sujet de la psyché, de ce que nous sommes, toutes les inconstances, les complexités de nos actions, de nos réactions, l’espoir, l’échec, la peine et la joie, qu’y a-t-il à apprendre dans tout cela ? Ainsi que nous l’avons dit, dans un certain domaine de notre existence physique, il faut du temps pour recueillir le savoir et agir à partir de celui-ci. Serait-ce que nous utilisons ce même principe, ce même mouvement du temps, dans le monde psychologique ? Là aussi, nous nous disons que nous devons apprendre ce qui se passe en nous, nos réactions, notre comportement, nos exaltations et nos dépressions, nos idéations ; nous pensons que cette connaissance aussi exige du temps.


Dernier Journal – Mardi 19 avril 1983




mercredi 5 février 2014

Existe-t-il dans l’être humain, dans son cerveau, un endroit, une zone, petite ou grande, d’où la mémoire soit absente, qu’elle n’ait jamais effleurée ?

Y


Alors que la continuité n’existe nulle part, sauf dans la mémoire, existe-t-il dans l’être humain, dans son cerveau, un endroit, une zone, petite ou grande, d’où la mémoire soit absente, qu’elle n’ait jamais effleurée ? Il vaut la peine d’observer tout cela, d’avancer sainement, rationnellement, de voir la complexité et les replis de la mémoire ainsi que sa continuité qui est, somme toute, le savoir. Le savoir est toujours dans le passé, il est le passé. Le passé est une immense mémoire accumulée, la tradition. Et quand on a examiné tout cela avec soin, sainement, la question inévitable est celle-ci : existe-t-il une zone dans le cerveau, dans la profondeur de ses replis, ou dans la nature et la structure intérieure de l’homme et non dans ses activités extérieures, qui ne soit pas le résultat de la mémoire et du mouvement de la continuité ?


Les collines et les arbres, les prairies et les bois dureront aussi longtemps que la terre, à moins que l’homme ne les détruise par cruauté et désespoir. Le ruisseau, la source d’où il vient, ont une continuité, mais nous ne nous demandons jamais si les collines et l’au-delà des collines ont leur propre continuité. S’il n’y a pas de continuité, qu’y a-t-il ? Il n’y a rien. Nous avons peur de n’être rien. Rien signifie qu’aucun objet n’existe. Aucun objet assemblé par la pensée, rien qui puisse être reconstitué par la mémoire, les souvenirs, rien qui puisse se décrire par les mots puis se mesurer. Il se trouve certainement, sûrement, un domaine dans lequel le passé ne projette pas son ombre, où le temps, le passé, le futur ou le présent ne signifient rien. Nous avons toujours essayé de mesurer par des mots ce que nous ne connaissons pas. Nous essayons de comprendre ce que nous ignorons en l’affublant de mots, le transformant ainsi en un bruit continu. Et ainsi encombrons-nous notre cerveau, déjà plein d’événements passés, d’expériences et de savoir. Nous pensons que le savoir est d’une grande importance psychologique, mais cela est faux. Il est impossible de croître par le savoir ; il faut que le savoir cesse pour que le neuf puisse exister. Neuf est un mot qui qualifie ce qui n’a jamais été auparavant. Et ce domaine ne peut être compris ou saisi par des mots ou des symboles : il est au-delà de tous les souvenirs.


Dernier journal 1983




mardi 4 février 2014

L’amour ne connaît pas le temps.

L’amour ne connaît pas le temps.


L’amour ne connaît pas le temps. L’amour n’appartient ni à vous ni à moi, il n’est jamais personnel ; on peut aimer une personne, mais lorsqu’on limite ce sentiment à un seul être, il cesse d’être de l’amour. Dans l’amour véritable, il n’y a pas de place pour les divisions du temps, de la pensée, et de toutes les complexités de la vie, ni pour toutes les misères, les confusions, l’incertitude, les jalousies et les angoisses humaines. Il faut faire très attention au temps et à la pensée. Cela ne veut pas dire que nous devons vivre uniquement dans le présent, ce serait une absurdité. Le temps est le passé, modifié, qui continue dans le futur. C’est un continuum auquel la pensée s’accroche. Elle s’attache ainsi à quelque chose qu’elle a créé de toutes pièces.

Dernier journal 1983




lundi 3 février 2014

Est-il possible de vivre avec la mort ?

Est-il possible de vivre avec la mort ? Non pas avec morbidité, ni de façon auto destructrice. Pourquoi avons-nous séparé la vie de la mort ? La mort fait partie de notre existence. Le vivant et le mourant sont inséparables et se suivent inexorablement. Pourquoi séparer l’envie, la colère, la tristesse, la solitude et le plaisir que nous éprouvons, de ce qu’on appelle la mort ? Pourquoi les gardons-nous à des miles de distance, des années-lumière les uns des autres ? Nous acceptons la mort d’un vieil homme, qui est naturelle. Mais si quelqu’un de jeune meurt dans un accident, ou atteint d’une maladie, nous nous révoltons contre la mort. Nous disons que c’est injuste, que cela ne devrait pas être. Voilà ce qu’il nous faut examiner, non pas comme un problème, mais en en cherchant et en observant les implications, et sans se faire d’illusions.


Se pose aussi la question du temps – le temps qu’il faut pour vivre, pour apprendre, pour amasser, pour agir, pour faire quelque chose, et puis la fin du temps connu – le temps qui sépare le vivre du finir. Dès qu’il y a séparation, division, entre « ici » et « là », entre ce qui est« et »ce qui devrait être", cela implique le temps. il me semble significatif que nous maintenions la division entre cette prétendue mort et ce que nous appelons la vie. C’est à mes yeux un facteur décisif. La peur surgit lorsqu’il y a une telle séparation. On fait alors un effort pour surmonter cette peur, en recherchant le confort, la satisfaction, un sentiment de continuité. (Il s’agit ici bien sûr du domaine psychologique et non pas de la réalité physique ou technique.) Le moi s’est constitué dans le temps, et il est maintenu par la pensée.


Si seulement nous pouvions nous rendre compte de ce que signifient, sur le plan psychologique, le temps et la division, la séparation des hommes, des races, des cultures, opposés les uns aux autres. Cette séparation provient aussi de la pensée et du temps, comme la division entre vie et mort. Vivre avec la mort dans la vie impliquerait un profond changement dans notre conception de l’existence. Mettre fin à l’attachement sans limite, sans motif, et sans faire intervenir le temps, c’est mourir alors qu’on est encore en vie.